À la fin des années 1980, l’ISO (Organisation Internationale pour la Normalisation) lançait sa première série de normes éponymes, dont ses deux normes phares, ISO 9001 (1988) et ISO 14001 (1996). Désormais, ce sont près d’un million de structures dans le monde qui bénéficient de ces certifications. Si elles donnent un gage de sérieux et de rigueur, méritent-elles vraiment le temps et l’énergie dépensée pour les obtenir ? La question mérite d’être posée : la norme ISO est-elle un simple argument marketing ou une vraie plus-value pour une entreprise ?
Malgré les dizaines d’études scientifiques publiées au sujet de la norme ISO 9001, son influence tarde parfois à être quantifiée et demeure sujette au doute. Ayant tout de même relevé ses conséquences positives, des études soulignent l’intervention d’autres facteurs que ceux liés à la norme. Existe-t-il donc réellement une corrélation entre performance et système de management ?
La mise en place des normes managériales ISO s’apparente d’ordinaire à un parcours du combattant. Pourtant, elle représente un important accélérateur de performance pour les organisations certifiées. En effet, les structures disposant de normes qualité enregistrent en moyenne une hausse de 4 % de leur chiffre d’affaires, 13 % pour les normes environnementales et 16 % lorsque ces deux normes sont associées, en comparaison d’entreprises dépourvues de tels outils. De pareilles progressions financières s’expliquent entre autres par une augmentation des ventes due à la norme, le contrôle accru des processus de productivité, de qualité et d’efficience influant sur la satisfaction client.
Les normes ISO, notamment 9001, ont non seulement un impact économique sur les structures mais également en termes de capacité à innover, selon une étude réalisée par la « Chaire Performance des organisations ». L’étude illustre bien que les entreprises les plus disruptives possèdent la certification ISO. Leurs dépenses allouées à la Recherche et Développement augmentent effectivement de 27 % par rapport aux entreprises non certifiées et leur propension à développer de nouveaux produits sur le marché augmente de 12 %.
Cependant, comment implémenter concrètement les changements nécessaires dans un système de management ?
« La qualité n’est jamais un accident, c’est toujours le résultat d’un effort intelligent »
– John Riskin –
Dans un contexte économique mouvant et une compétition féroce, les structures doivent s’efforcer de se démarquer et d’obtenir des avantages comparatifs afin de répondre à des objectifs de performance et de montée en compétence perpétuels. Pour ce faire, trois conditions doivent être observées pour pérenniser le système de management de la qualité (SMQ).
Tout d’abord, les dirigeants doivent être intimement persuadés des bénéfices inhérents à la norme et impliquer l’ensemble de leurs collaborateurs dans une optique d’amélioration continue. Cela semble flou ? C’est pourtant capital ! Sans dynamique de groupe, l’initiative est tuée dans l’œuf.
Ensuite, des relations de confiance doivent être entretenues avec les fournisseurs. En effet, il est avéré que si les deux partenaires sont certifiés ISO 9001, l’investissement en Recherche et Développement de l’entreprise cliente augmente de +63 % (selon les résultats de l’étude).
Enfin, les petites entreprises doivent rechercher des fournisseurs certifiés ISO 9001. En effet, ces entreprises, ne pouvant pas forcément financer une démarche d’innovation, pourront bénéficier de l’expertise de ses fournisseurs. Ainsi, elles pourront accroitre leur propension à innover, sans pour autant investir directement dans de la Recherche et Développement.
« Des performances durables sont obtenues lorsqu’un organisme obtient et conserve la confiance des clients et des autres parties intéressées pertinentes ». (ISO 9000:2015 Systèmes de management de la qualité – Principes essentiels et vocabulaires).
Une fois ces principes intégrés, les structures se doivent de déterminer les processus nécessaires au système de management, ainsi que de déterminer et d’appliquer les critères et les méthodes nécessaires pour assurer le fonctionnement et la maîtrise efficaces de ces mêmes processus. All is about process ! L’objectif est clair : poser les best practices pour maximiser les chances de réussite pour l’entreprise. Au cours de la mise en place du SMQ, il s’agit de balayer au maximum les différentes parties prenantes (enjeux externes et internes, la prise en compte des attentes et exigences…) pour gérer les risques et opportunités de chaque action. Seule cette analyse permettra l’implémentation d’une politique qualité adéquate, c’est-à-dire le choix de moyens et ressources appropriés pour la mener à bien.
Par ailleurs, pour ce faire, il est indispensable de suivre l’efficacité de cette dernière en mesurant la performance des prestations, des processus et la satisfaction des parties prenantes. Ce travail s’effectue principalement avec des moyens de contrôle interne tels que des récoltes d’indicateurs, des études de satisfaction ou des audits.
Néanmoins, au-delà de ces impacts majoritairement économiques et des applications qui en découlent, qu’est-ce qui pousse les organismes à obtenir la norme ISO 9001 ? Pourquoi se donner autant de mal ?
Tout d’abord, le degré de motivation d’une entreprise influe potentiellement sur sa performance. Une norme se choisit, elle ne s’impose pas, au risque de perdre de vue son intérêt réel. C’est-à-dire que celles qui raisonnent en termes de facteurs externes (fournisseurs, clients, gouvernements, marchés) mettront en œuvre des processus de façon hâtive et observeront des répercussions à court terme et de faible ampleur. En revanche, les structures internalisant pleinement les principes d’ISO 9001 développeront des évolutions qualitatives globales, sur le long terme et à forte portée. Penser une culture de la qualité en interne est la condition sine qua non à l’optimisation des retombées de la norme.
Ainsi, la certification ISO 9001 semble donc accroître la performance de l’entreprise d’autant plus que la démarche est volontaire et non contrainteet qu’elle est axée sur des bénéfices internes plutôt qu’externes.
C’est dans des structures du type Junior-Entreprise (ou PME) que l’implémentation de normes ISO, notamment ISO 9001, semble la plus adéquate. En effet, l’impact majeur s’observe sur le management. Les processus inhérents à la norme ont pour effet de resserrer les liens entre les collaborateurs et introduire davantage de proactivité et de bienveillance au sein d’une équipe. En outre, ces changements radicaux à implémenter s’imposent comme un apport pédagogique colossal et une stimulation intellectuelle considérable.
Toutefois, les Juniors se doivent d’être vigilantes quant au stress généré par le travail de fond nécessaire au commencement d’une telle démarche qualitative, source de tensions tant elle est exigeante pour ses membres. Il est bien plus aisé de pérenniser une norme ISO que de l’implémenter pour la première fois.
En définitive, normes ISO et performance sont donc bel et bien étroitement liées. Les bases du management ont muté, pour servir la compétitivité et la performance des organisations. Cependant, pour satisfaire leur impératif de performance, celles-ci doivent davantage orienter leurs démarches sur l’amélioration des processus, des produits et services, et la satisfaction des clients plutôt que sur l’obtention d’un certificat !
Alors, les retours sur investissement d’une norme ISO méritent-ils les fonds, l’énergie et le temps dépensés ? Répondons avec un célèbre proverbe français : “Le prix s’oublie, la qualité reste”.
Par Simon Tonnaire, Responsable Audit et Qualité de Skema Conseil Lille et Maxime Essama, Chargé Audit et Qualité de Skema Conseil Lille
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