Comment peut-on définir l’économie collaborative ? Va-t-elle réellement révolutionner nos modes de vie, et devenir à terme un point majeur de notre économie ? Ou n’est-elle qu’une simple tendance, qui n’atteindra finalement pas les résultats qu’on lui prédit aujourd’hui ?
Dans cet article, Skema Conseil dresse le bilan de cette « économie du partage ».
Rachel Botsman et Roo Rogers ont été les premiers à répondre à ces questions en 2011, à travers leur ouvrage What’s mine is yours, the rise of collaborative consumption(Ce qui est à moi est à toi, la montée de la consommation collaborative), dans lequel ils démontrent que l’économie collaborative est force de changement, et en passe de devenir un réel « mouvement ».
Certains chiffres appuient cette idée, notamment les 90 000 startups qui composaient ce marché en 2016, le fait que 9 français sur 10 déclarent déjà aujourd’hui avoir réalisé au moins une fois une pratique de consommation collaborative, ou encore la prévision d’un taux de croissance annuel moyen de ce marché de 36,4% sur les 10 prochaines années.
Si elle connait aujourd’hui un tel succès, c’est aussi parce que l’économie collaborative s’inscrit dans un contexte qui lui est entièrement favorable : Démocratisation de la méfiance envers tous les acteurs de notre système actuel tant sur le plan économique que politique, crise économique, changement de mentalité avec une prise de conscience globale quant à l’environnement et l’attente de relations sociales plus conviviales, mais aussi et surtout l’essor des nouvelles technologies, qui offrent aujourd’hui des plateformes bien plus faciles d’utilisation et à très faibles coûts !
Malgré cela, seulement quelques années après son essor, certaines dérives possibles de ce nouveau modèle voient le jour…Il est parfois accusé d’avoir un impact opposé à celui attendu sur les relations sociales, avec la création d’un entre-soi notamment, mais c’est en particulier dans le domaine du travail que ces effets ambigus se font le plus ressentir…
La précarisation du travail dans un premier temps, avec par exemple la révolte des chauffeurs de Taxi face à Uber, ou des hôteliers face à Airbnb…et la multiplication du nombre d’emplois jugés précaires, comme l’explique la journaliste Sarah Kessler après avoir tenté de passer un mois à tenter de survivre uniquement de petits boulots : « Au lieu de la révolution du travail promise, je n’ai trouvé que des tâches pénibles, un faible salaire et un système défavorable pour les salariés ». Cela nous mène, selon certains, comme Anne-Sophie Novel, auteure de La Vie share, mode d’emploi, à « l’ère de la débrouille ».
Puis le risque de monopole des plateformes dans un second temps, finalement opposé aux valeurs initiales de partage et de coopération de cette économie, avec un système toujours aussi inégalitaire, mettant en scène des travailleurs qui ne sont certes plus sous les ordres d’un employeur, mais désormais dépendants des plates-formes, de leurs règles et de leurs systèmes de notation.
Ce début de remise en cause n’étonne en rien Damien Demailly, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), : « On suit une courbe classique de l’innovation, avec au départ un fort enthousiasme, et puis l’on se rend compte que les choses sont plus complexes ». C’est finalement une description très proche de la réalité que nous venons de décrire, et nous avons bien compris que la complexité de ce phénomène s’inscrit principalement dans le cadre juridique qui l’entoure.
Ainsi, si régulation il doit y avoir, celle-ci doit être effectuée de façon subtile afin d’éviter de tomber dans deux écueils : l’instabilité juridique (qui briderait l’essor des plateformes) et les approches trop radicales (au risque de voir s’effondrer toutes les plateformes européennes). D’ailleurs, nous pouvons observer que des solutions émergent déjà, notamment en France, avec l’instauration d’une responsabilité sociale des plateformes numériques, la clarification des seuils d’affiliation, et l’augmentation du pouvoir de contrôle des agents, et qu’elles sont donc synonymes de bons présages pour ce modèle économique, qui n’a sûrement pas fini de faire parler de lui…
Romain Buttin, Président Skema Conseil Nice-Sophia Antipolis