Qu’est-ce que le phygital ? Ce modèle constitue-t-il l’avenir du commerce de détail ?
Dans notre article consacré à l’avènement du “retail” en France, nous avions identifié un “nouvel espoir” pour les magasins physiques, qui n’allaient semble-t-il pas être totalement abandonnés au profit du 100% digital.
Mais aujourd’hui, une stratégie “hybride” est bien réelle de la part des leaders du e-commerce mondial, avec en tête d’affiche ceux que l’on nomme les “Pure Players”, qui décident d’allier leurs avantages bien connus du online avec les points forts des magasins physiques.
Avant de nuancer l’effet néfaste du e-commerce sur le commerce physique, il est quand même évident que celui-ci est en forte progression depuis quelques années maintenant. En 2017, les ventes sur Internet ont progressé de 14% par rapport à l’année précédente pour atteindre 81.7 milliards d’euros en France, et ce en partie grâce à la fulgurante progression des ventes sur mobile à hauteur de 50%.
Le plus impressionnant parmi tous les chiffres généraux du e-commerce reste la forte progression du nombre d’acheteurs, avec 85.5% des internautes qui achètent aujourd’hui sur Internet, représentant 37.5 millions de Français. Parmi les sites leaders du e-commerce, 54% prévoyaient de créer des emplois en 2018, alors que 24% des TPE/PME prévoyaient de recruter au moins un salarié.
Les causes de cette progression sont assez claires : la plupart du temps, les prix sont plus intéressants sur Internet et il est beaucoup plus facile de se faire livrer un colis que d’aller directement en magasin afin de procéder à l’achat : le client peut se renseigner sur tous les produits, comparer les prix de ceux-ci tout en restant à son domicile.
Par conséquent, certains magasins physiques ont vu leur nombre décroître significativement, à l’image des librairies dont le nombre a chuté de 43% à l’arrivée d’Amazon en 1995 aux États-Unis.
En effet, même si nous venons de voir qu’il est en progression continue, le e-commerce ne représente que 10% du commerce de détail en Europe et 15% aux États-Unis, ce qui reste relativement faible. Ceux que l’on appelle les “bricks and mortar”, c’est-à-dire les magasins en dur (par opposition aux entreprises de e-commerce), arrivent à faire bonne figure auprès des clients, notamment grâce à la possibilité de toucher, essayer les produits mais aussi d’avoir un contact humain avec les vendeurs sur place. Ces arguments sont facilement vérifiés par les taux de transformation, nettement supérieurs dans les magasins physiques (9%) que sur Internet (3%).
Encore aujourd’hui, le vendeur reste une entité extrêmement importante dans le parcours client : il continue d’incarner les valeurs de la marque et aide le client avec l’expertise qu’il est censé posséder. Pour prendre l’exemple le plus marquant, le secteur du luxe reste encore très ancré en physique, afin de garder une certaine authenticité et une proximité avec les consommateurs.
Le défi de la création d’expérience reste entier pour les entreprises de e-commerce puisque c’est surtout à ce niveau là que se trouve le principal atout des magasins physiques.
Afin de combiner les avantages de chaque modèle, le modèle “phygital” (contraction de physique et digital) continue de progresser depuis 2015. Cette année-là, Amazon avait commencé à ouvrir des librairies aux États-Unis ; par la suite, le géant de la distribution en ligne a racheté Whole Food Markets et ses 464 magasins.
La volonté de faire converger le “online” et le “offline” permet aux clients de vivre une expérience nettement améliorée, avec par exemple un trajet arrangé à travers les rayons du magasin en fonction de la liste de courses. Grâce à ce modèle, l’acte d’achat en sera purement simplifié, notamment grâce à la possibilité de vérifier la disponibilité des produits en magasin, de payer via son mobile, ou de se faire livrer chez soi ou en magasin.
D’ailleurs, c’est ce que recherchent les consommateurs : selon une étude de 2017, 39% des consommateurs français veulent commander en magasin et se faire livrer chez eux, 70% veulent payer via mobile et 63% souhaitent adopter le “click and collect”, c’est-à-dire le fait que le client achète sur Internet pour retirer l’article en magasin.
Par conséquent, le modèle “phygital” va continuer de progresser, ce qui va permettre au e-commerce ainsi qu’aux magasins physiques de continuer à s’allier, même si certains craignent, sûrement à juste titre, un phagocytage des petites entreprises par les “Pure Players” dans tous les domaines.
Thibaud Bouclet, Chargé de Développement Commercial chez Skema Conseil Paris