Les évolutions technologiques, notamment au niveau de l’information et de la communication, tendent depuis quelques années à transformer de nombreux secteurs de l’économie. Le domaine de l’alimentation a particulièrement su saisir ce phénomène.
Quel est l’enjeu ? Transformer l’existant par la technologie, voire proposer des solutions résolument nouvelles tout en relevant le défi d’améliorer l’expérience des consommateurs en réponse à leurs nouveaux besoins. Les attentes, mentalités et représentations ont en effet fortement évolué ces dernières années et le marché se doit de répondre à cette nouvelle demande. Les raisons de ces évolutions chez les consommateurs sont multiples. Elles gravitent autour d’une double prise de conscience de la nécessité de consommer « durable », que ce soit pour l’environnement ou pour le corps, et de « faciliter » les achats du client. Ainsi, les habitudes de consommation, la demande et l’offre dans ce secteur se transforment avec pour cap l’objectif de nourrir neuf milliards de personnes en 2050 dans le respect de l’environnement et de la santé des individus. La FoodTech se veut ainsi performante, sociale et écolo.
Dès lors, et en réaction à une forme d’éloignement et de perte de confiance des consommateurs envers les acteurs « classiques » du secteur de l’agro-alimentaire, de nouvelles solutions voient le jour, le plus souvent sous la forme de start-ups mettant à profit les nouvelles technologies pour innover et transformer le secteur. C’est ce que l’on appelle la FoodTech et cela concerne toutes les activités du processus, de la production initiale à l’achat et la consommation.
Le secteur connait un fort dynamisme, caractérisé par l’augmentation exponentielle du nombre d’acteurs et des volumes financiers associés. En effet, il compte aujourd’hui près de cinq cents start-ups sur le territoire français, contre seulement soixante-huit en 2014, pour une multiplication par six des montants investis entre 2014 et 2017. De plus, le montant de ces investissements ne cesse d’augmenter, ce qui permet à des concepts très prometteurs de se développer rapidement. Ainsi, trois startups du secteur, Wynd, Frichti, et Alkemics ont chacune réussi à lever plus de vingt millions d’euros pour leurs projets. Le secteur de la FoodTech est en pleine expansion.
Il convient maintenant de s’intéresser plus en détails aux différents domaines qui composent la FoodTech et recouvrent toute la largeur du spectre du secteur de l’alimentation. Six domaines se distinguent : AgTech, Food Science, Food Service, Delivery & Retail, Coaching et Media. Il faut toutefois noter que leur poids au niveau du marché n’est pas le même et qu’il existe de fortes disparités entre ces différentes disciplines. Ainsi, les domaines AgTech, Food Service et Delivery & Retail représentent, à eux seuls, 90% des investissements dans la FoodTech. Plus précisément, toutes ces startups ont pour objectif de transformer le monde de l’agro-alimentaire avec des méthodes très diverses. C’est-à-dire ?
L’AgTech tend à révolutionner l’agriculture, à l’aide de technologies informatiques, de drones et de robots, ou en développant de nouveaux modes de production tels que l’agriculture urbaine. Exemples : Airinov, Agripolis.
Pour la Food Science, l’objectif est d’innover à l’aide de produits existants ou d’apporter une solution alternative totalement novatrice, comme les protéines à base d’insectes ou d’algues. Exemples : Le Chocolat des français, Algama.
La Food Service réinvente les méthodes de restauration traditionnelles au niveau de la réservation dans un restaurant, voire même de la gestion de ces-derniers. Exemples : Wynd, Eatizzy.
Le secteur du Delivery & Retail est le plus dynamique et rassemble le plus d’investissements, avec pour objectif de répondre aux nouvelles problématiques du e-commerce alimentaire. Cela comprend la livraison de plats de restaurants, mais également de courses ou de plats préparés. Exemples : Deliveroo, Foodette.
Le Coaching réunit lui les start-ups spécialisées dans le conseil en alimentation pour les personnes suivant un régime alimentaire particulier, ou souhaitant simplement améliorer leurs habitudes. Exemples : FoodVisor, Atlantaya.
Enfin, le Media a pour but de proposer des contenus divertissants en lien avec les enjeux soulevés dont l’accès pour tous est facilité via Internet et les réseaux sociaux. Exemples : ChefClub, Winerist.
Focus sur la startup Frichti : Créée en 2015, la start-up parisienne est aujourd’hui l’un des géants de la FoodTech en France, avec 43 millions d’euros levés depuis sa création. Le concept ? Permettre aux personnes menant une vie active particulièrement chargée de manger sain et varié sans se ruiner. Frichti propose ainsi de livrer des repas préparés en interne dans les cuisines de l’entreprise. Cela permet une variété accrue et un contrôle nutritionnel des recettes. De plus, Frichti maîtrise tout le processus, de la production à la livraison, ce qui lui permet d’optimiser les prix et les délais, afin de satisfaire une demande en constante augmentation. La prochaine étape ? Frichti est pour l’instant disponible uniquement à Paris et sa proche banlieue mais les fondateurs de la start-up voient loin et prévoient déjà une expansion sur le territoire national, voire à l’international.
Il convient dès lors de s’interroger sur l’avenir de ce secteur en croissance : la FoodTech, développement exponentiel ou essoufflement d’une tendance ?
Étant donné la situation actuelle du secteur et d’après les prévisions des spécialistes de l’industrie, sa croissance sur le long terme semble se confirmer. Leur dynamisme, l’évolution dans les modes de consommation, le changement des mentalités au niveau de l’alimentation : tous tendent à un besoin de création d’une réponse nouvelle aux problématiques de demain.
Ainsi, et même si ce domaine est fortement lié aux différentes avancées technologiques qui conditionnent son évolution, une explosion de la demande et, avec elle, du nombre de start-ups de la FoodTech est en prévision. Plus précisément, les tendances d’évolution probables sont les suivantes : une augmentation du poids des circuits courts et des produits locaux, toujours plus recherchés, une démocratisation du processus de livraison alimentaire, avec une hausse des volumes et des possibilités de personnalisation, et enfin l’utilisation de la data récoltée par les professionnels du secteur, tels que les restaurants, pour améliorer le service proposé.
A plus long terme, on peut s’attendre à un fort développement de la nutrition personnalisée pour tous, et à une démocratisation de nouvelles formes d’alimentation avec les substituts de repas et les nouvelles protéines. L’évolution, certes imparfaite, de grands groupes comme Danone vers ces nouveaux modes de production et de consommation souligne l’importance des changements à l’œuvre tout en confirmant la place centrale dont bénéficiera bientôt la FoodTech.
La FoodTech, futur mastodonte de l’économie et porte-drapeau de l’ère digitale ? La question mérite d’être posée tant le secteur semble avoir de très beaux jours devant lui.
Article rédigé par Basile Marmoy, Chef de Projet à Skema Conseil Lille.